Canonisation de Marguerite Bays

Vingt-quatre ans après sa béatification par le Pape Jean-Paul II, Marguerite Bays a été reconnue Sainte par le Pape François le dimanche 13 octobre 2019 lors d'une célébration grandiose à Rome. Le Vatican a reconnu le deuxième miracle en début d'année, ouvrant ainsi la voie de la canonisation.

Pour l'occasion, Sainte Marguerite Bays a fait déplacer des délégations glânoises, fribourgeoises, cantonales et fédérales à Rome pour vivre ce moment important.

Homélie de Mgr Kurt Koch

Marguerite Bays :

Une sainte de l’amour de Dieu et du prochain

Cardinal Kurt Koch

Les saints en tant que signes de Dieu

De tout temps, les hommes ont cherché des signes pour interpréter leur vie et comprendre quelle était leur place dans le monde. Dans l'Évangile d'aujourd'hui, nous apprenons que Jésus a donné aux hommes de son temps un signe clair, qu'ils ont certainement compris immédiatement : le signe de Jonas, le prophète que Dieu a envoyé à Ninive pour que les habitants se repentissent, et qui a passé trois jours dans le ventre d'un poisson, devenant une préfiguration de Jésus Christ, qui passa trois jours dans la tombe avant de ressusciter des morts. Le signe de Jonas est donc le signe qui indique le mystère le plus profond de la foi chrétienne, à savoir la mort et la résurrection de Jésus Christ.

Par conséquent, toutes les personnes qui par leur vie incarnent ce signe deviennent des signes vivants. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne sainte Marguerite Bays, dont le souvenir reconnaissant nous a rassemblés aujourd’hui à l´occasion de sa canonisation. Elle est devenue un signe vivant, car elle a été associée d’une manière toute particulière au Christ souffrant, en éprouvant dans son corps et son esprit les souffrances de Jésus au Gethsémani et au Calvaire et en recevant les cinq stigmates visibles du Crucifié qui lui ont apporté de nombreux tourments. Elle a également pris part à la croix de Jésus en raison de sa difficile situation familiale, en particulier à cause d’une de ses belles-sœurs qui lui fit subir de nombreuses humiliations.

Sainte Marguerite a porté ces diverses souffrances dans sa foi profonde, plus précisément en prenant part à la célébration quotidienne de la Sainte Messe, qui était pour elle le sommet de sa journée, à l'adoration eucharistique, en parcourant la Via Crucis le dimanche après la Sainte Messe, en priant quotidiennement le Rosaire et en accomplissant de nombreux pèlerinages aux sanctuaires mariaux. Ainsi n’a-t-elle pas passé sa vie dans un monastère, ni dans aucune autre communauté religieuse, mais dans le monde. Elle gagnait sa vie en tant que couturière. C’est ainsi qu’elle est devenue sainte, comme les paroissiens de Siviriez l’avaient déjà déclaré le 27 juin 1879, jour de sa mort : « Notre sainte est morte ». Elle nous a montré de cette manière et nous montre encore aujourd’hui ce que signifie devenir saint et être saint.

 

Accéder à la sainteté : un destin commun pour tous les hommes

Dans la vie et la mort de sainte Marguerite, nous pouvons d’abord voir en quoi consiste la sainteté dans la foi chrétienne. Pour elle, la sainteté n’a rien à voir avec l’héroïsme et le sensationnel, ni même avec les stigmates qu’elle prenait soin de dissimuler à la vue des curieux. La sainteté se cache plutôt sous le voile des aspects les plus anodins de la vie quotidienne. La quotidienneté simple et neutre de son amour du Christ et de son prochain était sa vocation à la sainteté. Sa vie nous montre ce que signifie la sainteté au sens biblique. Car dans sa première épître aux Thessaloniciens, à la question la plus élémentaire de la foi chrétienne – quelle est la volonté de Dieu ? – Paul apporte une réponse tout aussi élémentaire : « La volonté de Dieu, c’est votre sanctification" (4, 3).

Paul entend par là que la volonté de Dieu dans son essence est toute simple et la même pour chacun de nous, à savoir la sainteté. La vocation chrétienne à la sainteté n'est pas élitiste, mais absolument égalitaire. L'égalité démocratique de tous les membres de notre Église n’est nulle part aussi amplement réalisée que dans la quête de la sainteté. Car pour Dieu, être saint n’est pas ce qui est extraordinaire, mais au contraire ce qui est habituel et normal pour chaque chrétien. La sainteté chrétienne ne consiste généralement pas en un héroïsme inimitable, mais dans la vie ordinaire du chrétien en Dieu.

Tous les chrétiens sont appelés à une telle sainteté. Sainte Marguerite a vécu cette conviction de foi, anticipant ainsi ce que le Concile Vatican II a rappelé en accordant une grande importance à la « vocation universelle à la sainteté ». Tout le cinquième chapitre, et par conséquent le cœur de la Constitution dogmatique de l'Église « Lumen Gentium », est consacré à cette ligne directrice de la vie chrétienne : « Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie ; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. »

 

Non pas des copies, mais des exemples uniques de sainteté

La sainteté n'est pas un luxe et le privilège de quelques-uns ; elle est le destin de tous. Chaque chrétien est appelé à suivre son propre chemin vers la sainteté. Il y a quatre cents ans, saint François de Sales, illustre évêque de Genève, exprimait déjà cette conviction de foi en ces termes : « Un évêque ne doit ni ne peut vivre comme un chartreux et les couples comme des capucins. Les artisans ne sont pas des religieux contemplatifs qui prient la moitié de la journée et de la nuit... Chacun à sa manière ». La vocation chrétienne à la sainteté se réalise sous d'innombrables formes et peut être vécue dans tous les états et toutes les professions.

Par conséquent, la vocation chrétienne à la sainteté ne signifie pas simplement imiter ou copier de grands saints ; elle entend se réaliser dans chaque vie qui est unique et non interchangeable. Dieu ne veut pas que les chrétiens qui tendent à la sainteté soient des copies, mais des originaux, comme le souligne magnifiquement le pape François: « Ce qui importe, c’est que chaque croyant discerne son propre chemin et mette en lumière le meilleur de lui-même, ce que le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui (cf. 1 Co 12, 7) et qu’il ne s’épuise pas en cherchant à imiter quelque chose qui n’a pas été pensé pour lui. »[3] Car le Dieu vivant nous a donné à tous, chacun selon sa manière, de parvenir à la sainteté, comme l'histoire de l'Église nous le montre avec ses nombreux saints qui se distinguent les uns des autres par le caractère unique de leur personnalité humaine et leur charisme spirituel.

En nous plongeant dans les Écritures, nous rencontrons une autre facette de la sainteté chrétienne. Elle ne suppose pas que l’on ne se soit jamais trompé, ni que l’on n’ait jamais commis de péchés. Même les saints apôtres ne sont pas « tombés du ciel », ils étaient des gens comme nous, qui avaient leurs forces et leurs faiblesses. Jésus les a appelés, non pas parce qu'ils étaient déjà saints, mais pour qu’ils le deviennent. Les Écritures saintes recèlent ainsi une sagesse de vie, comme l’a dit Gilbert Chesterton : « On reconnaît un saint à ce qu’il a conscience d’être pécheur. »

 

Avoir part à la sainteté de Dieu

La sainteté chrétienne n'est pas le contraire du péché mais grandit avec la capacité de conversion. On reconnaît effectivement un saint à ce qu’il sait qu’il est pécheur, mais également au fait qu’il vit dans la conscience du croyant qui sait qu’il n’existe pas de « cas désespérés » pour Dieu, mais que celui-ci offre à chacun la possibilité de recommencer. Vivre dans une telle confiance en Dieu est déjà la sainteté chrétienne. Dans la vie quotidienne ordinaire en Dieu, vivre avec lui, tendre vers lui et modeler sa vie dans un esprit de foi, voilà ce qui rend visible la sainteté chrétienne, comme cela est advenu dans la vie de sainte Marguerite Bays.

Bien sûr, elle nous a montré une autre facette de la sainteté : devenir saint et être saint signifie réaliser pleinement ce que nous sommes déjà. Une telle phrase peut sembler étrange à la première écoute, mais elle exprime le message le plus important de notre foi, à savoir que nous ne pouvons pas nous sanctifier nous-mêmes, mais que nous sommes sanctifiés, que nous avons déjà été sanctifiés par notre baptême. Dans les Écritures, tous les baptisés sont décrits comme des « saints », non pas parce qu'ils sont immaculés et qu'ils ne commettront pas d'erreur. En réalité, les baptisés sont saints parce qu'ils ont été sanctifiés par le Christ dans le sacrement du baptême.

Pour conclure, nous pouvons demander ce qu’est un saint homme et lire la réponse dans la préface des saints, dans laquelle il est dit : « Tu es glorifié dans l’assemblée des Saints : lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. » Par conséquent, lorsque nous parlons de personnes saintes, il est forcément question de Dieu. Car seul Dieu est saint et les êtres humains ne peuvent devenir saints qu'en étant pleinement enracinés en Dieu et transparents pour lui. Un saint est un être humain qui place entièrement le véritable et immense désir de son cœur en Dieu qui est sans limites, et dont le souci est d'honorer Dieu par sa vie. Un saint est une personne si ouverte et prête à accueillir Dieu que celui-ci peut vraiment venir à elle et être accueilli, que son avènement peut avoir lieu.

Lorsque nous vénérons un saint, nous honorons Dieu, puis nous le louons, plus précisément nous louons la venue finale de Dieu et son victorieux avènement en cette personne. La pratique catholique de vénération des saints est au plein sens du terme l'adoration de Dieu et l'aboutissement de l'unité entre l'amour de Dieu et celui du prochain. En vénérant un saint et en lui demandant avec confiance son intercession, nous aimons Dieu en lui car il a su l’accueillir pleinement et était donc bienveillant à l’égard de l’homme.

Au sujet des saints, le grand théologien Origène a dit au troisième siècle que leur amour du prochain ne diminue pas lorsqu'ils sont passés dans l'autre monde. Parce qu'ils sont encore plus proches de Dieu, ils sont encore plus proches des hommes. Cela s'applique certainement à sainte Marguerite Bays, qui était si intimement liée à Dieu dans sa vie, qu'elle a cherché et trouvé Dieu aussi en l’être humain et lui a montré son aimable intercession. Cette unité d'amour de Dieu et du prochain, qui l’a caractérisée dans sa vie terrestre, elle continue de la nourrir dans l'éternité de Dieu.

Dans cette certitude, nous demandons à sainte Marguerite Bays d’intercéder auprès du Dieu vivant afin qu’il nous donne la force et le courage de nous immerger toujours plus dans le mystère de la vie de cette sainte, de rendre grâce à Dieu pour le don de la sainteté qu’il nous a offert dans le baptême, et de redécouvrir et approfondir intimement notre vocation personnelle à la sainteté, afin que nous aussi, comme Paul dans la lecture d’aujourd’hui, puissions accueillir les saints qui ont été appelés : « Grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. » Amen.

Lesung:        Röm 1, 1-7
Evangelium: Lk 11, 29-32

Comp: Heiligsprechung MargueriteBays 2019

Le Pape François lors de la canonisation de Marguerite Bays

La canonisation en photos


Béatification de Marguerite Bays

Le Pape Jean-Paul II a béatifié Marguerite Bays le 29 octobre 1995 à Rome. Elle a ainsi été reconnue Bienheureuse Marguerite Bays.

Le Pape Jean-Paul II lors de la béatification de Marguerite Bays